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Chroniques
Benjamin Attahir, Béla Bartók, Ernő Dohnányi et Henri Dutilleux
par Benjamin Attahir, Raquel Camarinha, Jérôme Comte,
L’Académie Festival des Arcs cultive les lettres de noblesse de la pédagogie et de l’excellence musicale, sans contraindre financièrement le public. Comme c’est souvent le cas dans ces contrées d’altitude où le relief altère la mobilité, les aléas des cieux, qui grondent d’ondes et d’éclairs, freinent cependant plus d’un spectateur pour ce concert au programme audacieux qui s’inscrit dans la lignée de celui d’hier, avec, entre autres, une pièce de Benjamin Attahir, compositeur en résidence de l’édition 2019 [lire notre chronique de la veille].
La soirée s’ouvre sur Kontrasztok Sz.111 (Contrastes pour violon, clarinette et piano ; 1938) de Béla Bartók, sous les doigts de Klaidi Sahatçi, Jérôme Comte et Victor Metral. Le trio restitue les couleurs et les rythmes bohémiens du Verbunkos initial, dans l’esprit de la recréation des traditions musicales qui ont irrigué l’inspiration du maître hongrois. Le Pihenő médian confirme la cohésion de l’ensemble, dans une respiration méditative qui n’émonde pas une partition dont le foisonnement éclate dans le Sebes final, aux multiples pièges pour des interprètes qui n’y succombent pas.
Selon le même usage que mercredi, Benjamin Attahir introduit de quelques mots son cycle de mélodies pour soprano et ensemble, où il tiendra la partie de violon. Recueil de six pièces, jouées dans un flux continu, Poemas da despedida (2019) ondule autour d’un motif de Brahms qui, tel un souvenir spectral, affleure, pendant toute l’œuvre avant d’être exposé au piano, en épilogue – l’Intermezzo en si mineur Op.119 n°1 (1893). La variété de la narration n’interdit pas une belle homogénéité. Sans négliger des intervalles parfois amples, l’écriture vocale préserve toujours une continuité de la ligne que met en valeur le soprano précis et subtil de Raquel Camarinha [photo], attentif à la fois au mot et à son insertion dans la texture sonore : un appréciable travail d’orfèvrerie musicale, concentrée sur l’essentiel, sans préciosité déplacée.
Ces qualités se retrouvent dans la lecture que le Quatuor Elmire propose d’Ainsi la nuit (1977) d’Henri Dutilleux, désormais un classique du répertoire. Les sept épisodes sont mis en évidence par une remarquable intelligibilité, cette lisibilité formelle ne prenant pas d’ascendant sur la délicatesse de la patine et des miroitements de timbres. D’un seul souffle, mais non monochrome, les vingt minutes déploient la sensuelle plasticité du temps voulue par le compositeur. Comme la veille, c’est avec un retour vers un Romantisme, peut-être voulu consolateur après les efforts de contemporanéité, que se referme le concert. Page de jeunesse, le Quintette en ut mineur pour piano et cordes Op.1 n°1 (1895) d’Ernő Dohnányi respire une générosité relayée par un plateau qui privilégie parfois l’énergie au raffinement, sans pour autant autoriser le public à bouder son plaisir.
GC